Tourisme : comment faire du sport en vacances sans impacter l’environnement ?

Publié le 19 octobre 2023 à 10h30, mis à jour le 23 octobre 2023 à 9h35

Source : JT 13h Semaine

Courir, naviguer en canoë-kayak, pratiquer l’escalade… De plus en plus de Français découvrent une région en faisant du sport.
Problème, des sites se retrouvent surfréquentés et d’autres n’offrent plus les conditions nécessaires aux pratiques aquatiques notamment.
En quête de réponse, professionnels du tourisme et du sport se cherchent encore.

En 2022, 34 % des Français ont pratiqué du sport pendant leurs vacances. Le ministère des Sports a cherché, au cours d’une vaste enquête publiée en juillet dernier, à mesurer l’attrait du sport pour les vacanciers. Résultat, un Français sur deux choisit sa destination en fonction des activités de plein air proposées et près des deux tiers envisagent des congés dynamiques. Sur le podium des activités physiques pratiquées, on trouve la randonnée, la natation et le cyclisme. Pour aider les sportifs amateurs à trouver une activité en plein air sur leur lieu de vacances, le ministère des Sports propose de se connecter sur la plateforme Vivez sport.

Or, ces sports en extérieur impliquent de se déplacer sur ou autour d’espaces protégés. Il faut parfois transporter du matériel lourd et volumineux, bivouaquer dans la nature ou se concurrencer sur des chemins fragiles. D’après l’Agence pour la transition écologique (Ademe), le tourisme représente en France 11 % des émissions de gaz à effet de serre. Le transport en accumule 70 %. Pire, le dérèglement climatique bouleverse les conditions des terrains de jeu : en montagne, l’enneigement décline, dans les vallées, les rivières et autres lacs s’assèchent, en mer, de plus en plus d’espèces invasives obligent à suspendre les activités nautiques, parfois pour des périodes indéterminées. Pour l’ONG Protect Our Winters, rassemblant une communauté de sportifs en extérieur, il faut s’adapter aux changements déjà présents et éviter d’y contribuer. L’organisme compare l’impact du réchauffement sur certaines activités de plein air aux pertes industrielles subies par le Nord-Pas-de-Calais après la fermeture des mines de charbon.

Sur le terrain, les acteurs institutionnels, du sport et du tourisme échangent en permanence à ce sujet. Un plan de sobriété énergétique s’applique également aux acteurs du tourisme (hébergement, restauration, divertissement). Virgile Caillet, délégué général de l'Union Sport et Cycle (organisation qui représente les entreprises du secteur du sport), jure que ses partenaires ont pris conscience de ces enjeux : "Notre terrain de jeu se trouve en extérieur, c'est la nature. Nous avons un devoir d’exemplarité écoresponsable. Le réchauffement climatique a une incidence sur nos pratiques sportives. Si les risques de feu de forêt nous interdisent des activités, à l’instar de la Gironde en juillet 2022, l’économie s’arrête et les entreprises en pâtissent."

"Ça va mettre du temps"

Les 11 et 12 septembre derniers, à Pau, les acteurs du tourisme sportif se sont réunis en congrès. Cette première a permis d’identifier les obstacles à la préservation de l’environnement. Nicolas Dayot, vice-président de la Confédération des acteurs du tourisme (CAT), assure qu’ils viennent de la structure même de l’industrie touristique : "Nous avons une multitude d’entreprises, dont beaucoup de petites qui travaillent de manière autonome. La visibilité de leurs actions s’en trouve amoindri. Difficile pour nous de mobiliser tout le monde." Virgile Caillet renchérit : "Notre terrain de jeu est immense et varié. Nous devons anticiper les pratiques de chacun en concertation avec les pouvoirs publics : adapter nos amplitudes horaires, protéger les lieux de nature, éviter les conflits d’usage entre les pratiquants. Nous soutenons toutes les initiatives privilégiant le circuit court ou les produits écoresponsables."

Le représentant des entreprises du secteur reconnaît s’appuyer uniquement sur des mesures incitatives et prévient : "Il faut faire preuve de pédagogie et sensibiliser les vacanciers. Ça va mettre du temps. Il faut rester humble, nous sommes encore loin de détenir la solution miracle." Conscientes du problème, les entreprises tardent néanmoins à réagir, notamment en montagne, aux prises à un enneigement de plus en plus faible. "Tant que ça tient, nous avons du mal à se dire qu’il faut vraiment révolutionner nos modèles", reprend Virgile Caillet.

Le transport, le point noir

Nicolas Dayot, également président de la Fédération nationale d’hôtellerie de plein air (FNHPA), pointe de mauvaises solutions : "Il ne faudrait pas réduire le volume de touristes au risque d’en faire une activité élitiste. Nous devons améliorer les équipements de prestation de service : chauffer la piscine avec des panneaux solaires thermiques, installer des pompes à chaleur, proposer davantage de sports aux abords des hébergements (padel, stades), etc. Nous devons construire une synergie entre le monde du sport et du tourisme."

Verdir l’ensemble du secteur du tourisme ressemble à un chemin de croix. Mais le point noir reste le transport des équipements. Voyager en train avec un vélo en plein mois d’août devient un calvaire. À l’arrivée, impossible de ranger son deux-roues et plein d’espaces restent inadaptées aux cyclistes. "On a une vraie prise de conscience du problème", promet Virgile Caillet. Le délégué général de l'Union Sport et Cycle affirme que des hébergements trouvent la parade : "Beaucoup proposent des vélos directement dans les campings ou hôtels que des prestataires gèrent à votre place. De cette façon, vous pouvez par exemple longer le canal du Midi."

Attention à la surfréquentation

Autre problème, l’afflux massif de sportif sur un territoire non adapté. L'Ultra trail du Mont-Blanc, consistant à faire le tour du sommet alpin en courant, suscitent toujours plus d’intérêt : près de 10 000 coureurs s’affrontent sur ces pentes escarpées. Sur les routes, des milliers de spectateurs encouragent les sportifs. Si Virgile Caillet considère cette course comme un "formidable outil de promotion des activités de pleine nature", il reconnaît également que "l’utilisation intensive d’un territoire peut le malmener si elle n’est pas régulée". Pour lui, il ne faut pas fermer à la population ces espaces, mais baliser davantage de chemins et réguler la concentration de population. Les quotas ne font plus figure de repoussoir.

D’autres questions restent en suspens : faut-il nettoyer systématiquement le matériel prêté entre deux consommateurs, changer le linge de maison ou faire le ménage tous les jours dans les hébergements ? Les acteurs du tourisme se disent prêts à éviter de rincer le VTT ou la combinaison de surf plusieurs fois par jour entre deux usages. "Aux clients de l’accepter", conclut Nicolas Dayot.


Geoffrey LOPES

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